Visage

 

 

En août 2014, sur PS4, est publiée une mystérieuse démo jouable sous le nom de PT pour "Playable Teaser". On y incarne un homme, évoluant dans une maison au graphisme proche du photoréalisme, qui semble coincé dans des couloirs se répétant à l’infini. Finalement, après avoir tourné en rond et pénétré dans les mêmes pièces encore et encore, on finit par remarquer que de multiples petits détails changent au fur et à mesure de notre exploration. Puis, plus on continue d’avancer dans cette boucle de couloirs, plus la maison se transforme en bâtisse lugubre et malsaine... jusqu’à ce qu'un esprit terrifiant fasse son apparition. Une fois PT achevé, le nom des créateurs s’affiche à l’écran : "Hideo Kojima" et "Guillermo Del Toro", puis le nom du jeu se dévoile à son tour : "Silent Hills".

Le buzz est immédiat tant le coup de com relève du génie. La démo est aussi intrigante que flippante, et les hommes qui sont derrière ce projet sont des pointures dans leur domaine. Tout le monde est persuadé que ce nouveau Silent Hill va signer le renouveau de la saga. Hélas, en 2015, "Silent Hills" est officiellement abandonné. C’est un coup de massue pour tous les fans… mais certains d’entre eux vont décider de reprendre le flambeau et de créer leur propre jeu d’horreur dans la lignée de cette démo qui les a tant marqués. Comme Layers of Fear, Infliction, Evil Inside ou Madison, Visage est l’un de ces jeux et il est sans nul doute le plus abouti et le plus réussi.

     

  

Après un crowdfunding réussi en 2016 et une version en accès anticipée en 2018, Visage est finalement sorti le 30 octobre 2020. C’est donc avec beaucoup d’attente que j’ai lancé le jeu et il donne le ton dès sa scène d’introduction. La caméra nous place dans la peau d’un individu qui abat froidement, à coup de révolver, trois personnes bâillonnées et attachées à une chaise avant de retourner l’arme contre lui pour se suicider. Puis, le personnage que l’on incarne se réveille dans sa maison et s’aperçoit très vite que d’étranges phénomènes paranormaux se produisent dans sa demeure…

Le scénario comporte 3 chapitres, chacun d’entre eux nous contera les histoires respectives de Dolores, Lucy et Rakan. À l’issue du troisième chapitre, un dernier deviendra accessible et sera la clé pour comprendre ce qui se trame dans la maison. L’originalité de Visage est que les 3 premiers chapitres sont sélectionnables dans l’ordre de notre choix. Ainsi, si nous voulons commencer par Dolores, il faudra prendre la clé avec le porte-clés miroir dans le hall d’entrée. Dans ce cas la maison ajustera son architecture et ses phénomènes paranormaux pour nous plonger dans l’histoire de Dolores. Mais si nous préférons commencer avec Rakan ou Lucy alors il faudra s’emparer de la béquille ou du dessin d’enfant, la maison s’adaptera ainsi à notre choix.

J’ai, au départ, trouvé que le scénario de Visage était très basique parce qu’on avait le droit aux éternels clichés de la maison hantée et des fantômes tourmentés. Mais en observant les lieux avec beaucoup de minutie, on se rend compte que l’histoire est bien plus profonde qu’il n’y parait. De nombreux éléments de scénario sont disséminés ça et là et il ne tient qu’à nous d’y prêter attention, ou non. Pour comprendre le fin mot de l’histoire il a quand fallu l’aide de toute la communauté internet pour amasser tous les indices possibles et les interpréter. Lorsque finalement le scénario a fini par être déchiffré et que j’ai lu le résultat final je me suis dit… waw ! Visage explore en fait un thème qui, à ma connaissance, n’a jamais été abordé dans un jeu vidéo, et il le fait brillamment. Le fait de rendre son intrigue aussi cryptique, et de savoir que de nombreux joueurs sont passés totalement à côté, lui rajoute une aura toute particulière.

     

  

Le gameplay, lui, est plus traditionnel. On évolue dans notre maison hantée tout en résolvant des énigmes et en fuyant les esprits torturés qui veulent notre peau :

- La recherche des "objets clefs" n’est pas évidente. Ils ne sont jamais mis en valeur et ressemblent à n’importe quels autres objets du décor. Il faudra donc être très attentif pour les trouver. On peut les lâcher par terre pour faire de la place dans notre inventaire limité, ils seront dans ce cas téléportés automatiquement dans l’unique salle de stockage du jeu. Il existe aussi des "objets dynamiques", ceux-là prennent place dans une autre partie de notre inventaire encore plus limité et ne se téléportent pas si on les abandonne par terre mais ils réapparaissent régulièrement dans le décor. Parmi ces items il y a par exemple des briquets ou des bougies qui servent à éclairer les endroits sombres (et ainsi à ne pas faire chuter notre état mental), on retrouve aussi les pilules qui aident à stabiliser l’état mental de notre personnage (car plus il est faible, plus on a chance de rencontre un ennemi). La gestion de ces deux inventaires et l'implantation d'une salle de stockage magique est, je trouve, un peu bancale !

- Les énigmes sont classiques (recherches de clés, mécanisme à activer, document à trouver…) mais compliquées... ou plutôt artificiellement compliquées. Le jeu ne nous indique jamais où aller ni ne nous donne même des éléments sur un quelconque objectif à atteindre. Jusque-là cela ne me dérange pas le moins du monde, le souci étant que nos objectifs ne coulent pas de source. On se retrouve alors souvent à arpenter au hasard la maison en espérant déclencher un script ou trouver une porte qui s’est miraculeusement ouverte parce que le jeu en a décidé ainsi. C’est frustrant et pas très drôle à jouer. Je me suis d'ailleurs retrouvé plusieurs fois à avoir la réflexion que je ne m’amusais pas à cause de ces trop nombreuses séquences de flottement.

- Les ennemis sont des esprits qui apparaissent de temps à autre pour nous tuer. S’ils nous touchent, on trépasse, alors il faut vite déguerpir s’ils sont à proximité. Heureusement ils ne nous suivent pas longtemps et quelques changements de pièces suffiront à les faire disparaitre. La tension de mourir est en plus réduite par la possibilité d'effectuer des sauvegardes manuelles. Attention cependant, ces sauvegardes sont parfois interdites lorsque le jeu en décide ainsi (et sans raison particulière).

     

  

Chaque chapitre a son ou ses ennemis, ses lieux et ses éléments de gameplay spécifiques. De ce fait, la maison fait office d’un HUB central et tous les lieux particuliers ne sont accessibles que dans des cas précis voulus par le scénario. Ces explorations permettent de renouveler constamment l’aventure et c’est très agréable car elle est longue. En revanche, dans tous les chapitres, certains évènements apparaissent comme un cheveu sur la soupe et manquent de contexte, je me suis plusieurs fois retrouvé à être "poker face" par ce qui venait de m’arriver. L'introduction de l'ennemi dans "Dolores" est par exemple totalement raté et ma première mort n'a été ni effrayante, ni excitante, mais un simple moment d'incompréhension.

Bon, et au fait, ça ressemble à PT ? Et bien oui ! Ses graphismes photoréalistes et le fait d’errer dans la maison et d’observer des petites transformations est exactement ce qui faisait le sel de PT. Visage réussi également à poser une ambiance angoissante similaire à celle de la démo de Kojima et Del Toro, chaque petit bruit ou interrupteur qui s’éteint est au départ une source de stress constant. On finit tout de même par s’habituer et le jeu fait moins peur au fur et à mesure de notre progression. J’ai aussi beaucoup apprécié les clins d’œil aux différents opus de la saga Silent Hill !

    

  

Visage est un jeu que j’ai parfois adoré pour toutes ses qualités, et parfois détesté pour ses énormes défauts. Mais son ambiance si particulière et son scénario si surprenant m’ont quand même marqué. C’est un survival-horror différent que je n’oublierai pas et que je recommande uniquement aux joueurs les plus aguerris et les plus patients.



Description du jeu par Kyoledemon

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