Shadows of the Damned
Ceux qui ont un jour été des enfants (je sais qu'il y en a parmi vous, ne niez pas) sont coutumiers de la vieille légende du chevalier, du dragon, et de la princesse, que l'on se coltine depuis la nuit des temps sans jamais – ou presque – s'en lasser. Ceux qui trainent un peu trop souvent dans les recoins sombres du net (oui oui, vous là, qui trainez sur ce site au lieu d'avoir une activité saine) connaissent également sa variante "metal" parodiant l'histoire de manière ô combien poétique. Pour les autres, le coin se trouve juste ici, et ne revenez pas avant d'avoir tout lu.
Vous n'êtes pas idiots. Enfin, je ne pense pas. Vous ne pouvez pas être idiots, puisque vous êtes ici. Vous l'êtes ? Mais non, voyons. La preuve, vous voyez très bien où je veux en venir, et je vous fait déjà perdre votre temps en élaboration pompeuse de prose inutile. Shadows of the Damned est une nouvelle itération de cette belle légende. Une version spéciale Grasshopper Manufacture, tout à fait inédite, très singulière, qui ne conviendra probablement pas aux plus naïfs de nos membres, mais qui satisfera certainement les plus dérangés.
Le chevalier mexicain, la princesse délurée, et... Flemming
Une ombre file dans la nuit, c'est un démon qui s'enfuit. Une moto qui surgit, un coup de frein, des pneus qui crient, un coup de feu qui retentit... Mais la justice, ici, ne s'appelle Nicky. Non, elle porte plutôt le doux sobriquet, de "Garcia fucking Hotspur, hunter of demons, and slayer of pendejos". Accompagné de son crâne/démon de compagnie/flingue, Johnson (pas de blagues vaseuses s'il vous plaît, le jeu à la galanterie de toutes les sortir pour vous.), G.F.Hotspur - il tient au F, nous aussi - pousse les portes démoniaques du royaume de Flemming, big boss en chef. Très grand, six yeux, plein de bras, et une grosse surprise cachée sous son imper : la copine de Garcia fraîchement kidnappée. Quand je vous disais que c'est une romance d'aujourd'hui...
Très vite, on s'aperçoit que quelque chose dans cet univers est étrange, même pour des démons. Les portes sont gardées par des têtes de bébés très moches. Les chèvres sont les détenteurs divins de la lumière. Le checkpoint se chie dessus quand il vous voit. Un satyre qui se soulage dans une fontaine, et un cheval qui pond des zones de ténèbres font office de boss. Et ça ne va pas en s'améliorant. Si on ne savait que le jeu était japonais, il ne nous faudrait pas plus de cinq minutes pour le comprendre tant on y retrouve le délire et les tics si caractéristiques de ces productions. L'humour est omniprésent (et souvent très mal traduit, d'ailleurs), les vannes entre les protagonistes fusent, voir interpellent carrément le joueur (la Moor pu Deckuf, au hasard. Il n'y a pas que la moor qui est deckuf, à vrai dire). Le style du jeu, référentiel juste ce qu'il faut, ne se refuse rien de son design horrifico-sexy, servi par une Paula en petite tenue, une séquence de poursuite digne d'un film d'horreur (bien bis le film, tout de même), et un quartier rouge dont vous vous souviendrez (parce que Suda est un vilain tortionnaire qui aime vous mettre une femme sublime sous le nez tout en vous interdisant de rester pour la reluquer).
Ouch, Suda's raped me again
Et il faut croire que j'aime ça, puisque je retombe dans le panneau à chaque fois. Killer 7, No More Heroes, sa suite, Shadows of the Damned, puis plus tard Lollipop Chainsaw : tous m'ont procuré la même sensation. Les premières minutes font mal. Le jeu affiche un gameplay rigide, des animations d'une autre ère. Des graphismes jolis, à mille lieux des standards techniques. On a mal, on regrette presque un peu notre achat. On s'en veut, même, d'être tombé dans le piège, jusqu'à se poser la question existentielle sur la dose de patience et de tolérance dont peut faire preuve un joueur vis à vis d'un soft qu'il aime, ou qu'il souhaite aimer. Cette chose mystérieuse qui fait que l'on reproche à un jeu (peut être parcequ'on en attend d'avantage vis à vis d'une licence, d'un budget, ou autre) exactement ce qui ne va pas nous déranger chez un autre. Ici, le joueur devra faire preuve de la meilleure volonté pour ne pas se laisser abattre dès le premier niveau, au risque de laisser le disque prendre la poussière des mois sur son étagère, s'il n'est pas revendu d'ici là. En un mot comme en trois : on est refroidi...
...pour finalement après une, deux heures de jeu avoir déjà passé ce cap. Par abnégation ? Peut être, mais surtout parce qu'on se laisse prendre, c'est le cas de le dire, au jeu. Le gameplay, limité, se révèle néanmoins assez solide pour que le jeu s'y accoutume sans (trop) pester, et pour finalement apprécier de se plonger dans une histoire bardée de fun et de saveur, nous faisant (presque) oublier les défauts visuels et techniques pourtant criants ça et là. Vraiment pas une révolution, ni même une évolution, SotD est un peu à la sodomie ce qu'un (bon) beat them'all est au SM : parfois douloureux au début, la chose finit touours par trouver ses adeptes parmi les joueurs les plus acharnés. Une marque de fabrique Grasshopper, en somme.
Shadows of the Damned est clairement à ne pas mettre entre toutes les mains. Avec ses allures de jeu pas fini, à la ramasse techniquement... à la ramasse tout court même, le soft à tout du vilain petit canard pour quiconque habitué aux œuvres clinquantes, peaufinés, belles à voir, ou même tout simplement aux standards de notre ère. D'un classicisme effroyable, l'intérêt se trouve finalement pile là où l'attendent les fans du créateur : de plein pied dans l'équivalent vidéoludique de cette catégorie cinéma fauchée, batarde et nanarde qu'on appelle "bis". A manier avec précaution, à aimer sans modération.
Description du jeu par Nemesis-8-Sin